La mort de Ryszard Kapuscinski
Ryszard Kapuscinski, auteur d'Ebène, du Negus ou encore, plus récemment, de La guerre du foot ne nous donnera plus de nouvelles du monde. Le journaliste polonais est décédé, mardi à l'âge de 74 ans. Durant plus de 20 ans, il a couvert les principaux conflits sur tous les continents. Afrique, Asie, Amérique du Sud et toujours la même acuité du regard de la part de cet infatigable globe-trotter.

Ryszard Kapuscinski. (Photo: AFP)
Le nom de Ryszard Kapuscinski était, depuis longtemps, associé au mot «ailleurs». Un «ailleurs» non pas synonyme d’exotisme mais de curiosité, d'observation et de pertinence. La caricature n’était pas dans le style du journaliste polonais, adepte, au contraire, de la finesse du trait. Une attention aux choses vues qui fait toute la pertinence de l’oeuvre de Ryszard Kapuscinski. Né le 4 mars 1932, à Pinsk (aujourd’hui en Biélorussie), il suit des études d’histoire avant de travailler comme journaliste pour un quotidien destiné aux Jeunesses communistes. A la fin des années 50, il devient l’unique correspondant en Afrique de l’agence de presse polonaise et couvre alors la décolonisation de tout le continent. Jusqu’en 1981, il continuera d’ailleurs de couvrir les conflits dans le monde entier pour le compte de la PAP : Amérique du Sud, Asie, Proche-Orient...Et toujours la même acuité. La même empathie.
Sous le signe de la subjectivité
Après la chute du communisme, Ryszard Kapuscinski effectue des reportages dans l’ex-URSS. De tous ses voyages, cet insatiable globe-trotter a rapporté des récits saisissants. Ainsi de sa description de l’Ethiopie à travers le portrait de son souverain, Haïlé Sélassié Ier, alias le Négus. Ce sera d’ailleurs le titre de l’un de ses ouvrages les plus connus, Le Négus, qui décrit donc la chute du régime de l’Empereur. Publié en 1978, ce livre qui se présente comme une réflexion sur les dictatures en général, a été, à l’époque, perçu comme une critique du régime communiste alors en place en Pologne. Non moins remarquable, sa vision du dernier Shah d’Iran (Le Shah ou la démesure) ou sa plongée dans la guerre en Angola. Pas de fiction dans l’œuvre de Ryszard Kapuscinski, mais un récit à la première personne autrement dit, une perception placée systématiquement sous le signe de la subjectivité. Comme il l’expliquait sur son site Internet : «L’expérience m’a appris que, selon le point de la planète, on voit le monde différemment. Si on n’essaie pas de comprendre ses différences de vue, de perception et de description, on ne comprend rien de ce monde». Ryszard Kapuscinski a, en tout cas, fait la preuve qu’il était possible de décrire le monde, dans son immense complexité.
Parmi les ouvrages traduits en français : Le Négus, Ebène, D’une guerre l’autre, Le Shah ou la démesure ou encore La guerre du foot et autres guerres et aventures. Tous publiés aux éditions Plon.
par Elisabeth Bouvet
Article publié le 24/01/2007 sur RFI.fr